Coordination d’ouvrages collectifs

L’attention médicamentée. La ritaline à l’école, édité avec Luciana Caliman et Renata Maria Prado, Presses Universitaires de Rennes, collection « Essais », 2023, 288 p.

Les troubles de l’attention et de l’hyperactivité (TDAH) sont souvent dénoncés comme un mal du siècle. Parmi la gamme de réponses mobilisées pour y faire face, les traitements médicamenteux (Ritaline, méthylphénidate) occupent une place croissante à l’échelle mondiale, avec par exemple 800% d’augmentation en dix ans au Brésil.

Cet ouvrage mobilise des chercheurs et chercheuses venant de disciplines très variées (sciences de l’éducation, psychologie, neurosciences, médecine, sociologie, économie, humanités) pour analyser les pratiques actuelles de diagnostic et de traitement. Il adopte une approche comparatiste en se penchant sur les situations de la France, du Brésil et du Chili. Il resitue enfin les questions attentionnelles dans l’histoire longue des transformations de nos modes de production.

Cette approche historicisée, internationale et interdisciplinaire invite à regarder de plus près ce qui se passe sur le terrain concret de la médecine scolaire et des conditions institutionnelles d’enseignement. Sans cautionner ni diaboliser le recours aux traitements chimiques individuels, l’ouvrage propose de limiter le déferlement de Ritaline sur nos écoles en sollicitant des pratiques pédagogiques alternatives et novatrices.


Glossaire de quelques angles morts du numérique ubiquitaire, édité avec Marie Lechner et Anthony Masure, Dijon, Les presses du réel/ArTeC, 2023, 400 p.

138 entrées pour explorer quelques non-dits des nouvelles technologies, intelligences artificielles et autres aspects du numérique, d’Algolittérature et Asservissement machinique à Viralité en passant par Capitalisme de plateforme, Evangélisme technologique, Glitch-féminisme, Médiactivisme et Technopolice.

Si le numérique est désormais ubiquitaire, s’il s’infiltre partout – pour nous connecter, nous assister, nous augmenter, nous surveiller – quels sont les angles morts de ce regard dont le centre est partout et la circonférence nulle part ? C’est à cette question qu’essaient de répondre les 138 entrées et la vingtaine de contributeur·es de ce glossaire. On y trouvera des expressions-clés, familières ou inattendues, des réflexions originales et des synthèses pédagogiques sur les profondes ambivalences dont ces angles morts sont le lieu. Ces zones d’ombre marquent en effet à la fois des limites et des lacunes des meilleurs efforts de programmation, condamnant certaines réalités à rester exclues de ce qui (se) compte dans notre monde numérisé. Ces angles morts constituent du même coup de précieuses zones d’opacité, qui sont parfois à défendre comme autant de marges de liberté.

C’est pour nous permettre de mieux naviguer parmi ces ambivalences que cet ouvrage propose quelques éléments d’un vocabulaire commun du numérique ubiquitaire. Il se veut critique, parce que les formes prises par les exploitations actuelles du numérique sont souvent inquiétantes et demandent à être restructurées. Il se dit amoureux pour renouer avec une veine d’espoirs et d’émerveillements devant les potentiels d’émancipation et d’intelligence collectives dont reste porteuse la computation.


TerraForma Corp, Rapport annuel 2022, enquête collective du Département des Influences Ubiquitaires accessible sur la plateforme de l’EUR ArTeC, octobre 2022, https://terraformacorp.eur-artec.com/

La mission de la TerraForma Corp est de prendre soin de l’habitabilité de la planète Terre – à l’échelle de la planète Terre. Quiconque se reconnait dans cette mission fait partie de la Corp, dont l’existence est distribuée, diffuse et sans frontières claires – unitaire comme la planète Terre. La Corp a émergé en septembre 2018 à l’occasion de plusieurs événements spontanés, simultanés, discrets, qui ont révélé un ensemble nébuleux de projets et de luttes, d’idées et d’aspirations, de propositions et de revendications prenant corps au sein d’un certain nombre de vibrations communes, elles aussi générées et perçues à l’échelle planétaire.


Planétarités, avec Ariel Kyrou, dossier spécial de la revue Multitudes, n° 85, hiver 2021.

Qu’est-ce que « la planétarité » ? Le dernier-venu des gadgets conceptuels importés des campus états-uniens ? Une intuition ancestrale et universelle, qu’il est urgent de ressusciter ? Un besoin de changer d’échelle pour penser l’écologie à l’âge du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité ? Une abstraction de plus, qui nous détourne de ce que nous pouvons effectivement faire à notre échelle ? Un peu de tout cela, et sans doute bien davantage. Cette majeure de Multitudes essaie de faire un point, très partiel et provisoire, sur certains débats contemporains suscités autour de ce concept, conçu pour être problématique.

 

 


Cora Novirus, Abécédaire des bifurcations, avec Ariel Kyrou, Sandra Laugier, Yann Moulier Boutang, Anne Querrien, n° spécial anniversaire des 20 ans de la revue Multitudes, n° 80, 2020

Pour célébrer ses vingt ans d’existence, la revue Multitudes a entièrement confié la rédaction de son numéro quatre-vingt à Cora Novirus, une intellectuelle collective apparue à Bologne en 1977, une deuxième fois à Seattle en 1999, puis à Porto Alegre en 2001, à Tunis en 2011, et en d’innombrables autres endroits du monde depuis comme auparavant.

Cora a choisi de rédiger un abécédaire des bifurcations pour sonder les multiples façons dont, en cette année anniversaire 2020, une entité minuscule et invisible, nommée Sars-Cov2 ou Covid-19, a rappelé la nécessité de résister au changement climatique, à l’effondrement de la biodiversité et à l’emballement économique, sous peine de mort. Les gouvernements ne semblent pas enclins à renaître sous une autre forme. Cora s’est sentie appelée à revenir. Entre poids du passé et multiplicité des futurs, elle s’efforce de repérer des bifurcations, des effets de cliquet, des points de non-retour, qui empêcheront demain de renaître comme hier.

Cora ne se complaît ni dans les « journaux du confinement », ni dans les prédictions sur « l’après ». Elle ne regrette pas davantage le monde d’avant qu’elle ne craint l’effondrement à venir. Elle tente de comprendre l’aujourd’hui de bifurcations en train de se faire – des bifurcations qui ont parfois commencé depuis longtemps, ou qui commencent à peine à pouvoir s’envisager. Cora sait que ces bifurcations ne se feront pas toutes seules : elles ont besoin de nous pour prendre de bonnes directions.

 


 

Faire publics, avec Jacopo Rasmi, dossier pour la revue Multitudes, n° 79, 2020

Comment des publics – irréductibles a la transmission ciblée d’un objet de communication – émergent ils en surprenant des attentes ? Les réflexions ici réunies tachent de faire ressortir et d’accompagner la puissance et le dynamisme de la fabrique des publics ou, entre présence et médiation technique, se tissent et se transforment les conditions sensibles et intellectuelles qui nous relient.

 

 

 

 


 

Écologies de l’attention et archéologie des media, édité en collaboration avec Estelle Doudet, Grenoble, UGA Editions, 2019, 400 p.

L’attention que nous portons aux divers objets constituant notre monde conditionne la façon dont nous nous comportons envers eux. Si les problèmes d’économie de l’attention sont aujourd’hui à la mode, il reste à comprendre les multiples écologies attentionnelles développées par les sociétés humaines.
Or un nouveau champ de recherche émerge depuis une vingtaine d’années sous le titre d’« archéologie des media » : son ambition est d’apporter une lumière nouvelle sur les transformations les plus récentes (entraînées par la numérisation) de nos formes de médialités et de nos régimes attentionnels, en les éclairant par ce que nous apprennent des couches oubliées des pratiques matérielles, des appareillages et des imaginaires médiatiques du passé plus ou moins lointain. Par les va-et-vient déroutants qu’elle propose entre un passé enfoui et un futur émergent, l’archéologie des media est aujourd’hui l’approche la plus prometteuse pour trouver de nouveaux repères dans l’exploration de nos écologies attentionnelles.
En croisant les problématiques de l’archéologie des media et de l’écologie de l’attention, ce volume collectif issu d’une semaine de discussions menées dans le château de Cerisy fraie des pistes inédites pour aider à nous situer dans les nouveaux environnements de médialité instaurés par des technologies numériques devenues ubiquitaires.

 

 


Vilém Flusser et les programmes, avec Anthony Masure, dossier pour la revue Multitudes, 74, 2019

Malgré sa mort précoce, Vilém Flusser (1920 1991) a sans doute été le premier penseur à prendre la mesure des énormes implications anthropologiques de la numérisation du monde dont nous vivons le déploiement depuis quelques décennies. Cette Mineure publie une série de textes encore inédits, rédigés en français par Flusser durant la dernière décennie de son existence. Les sept brefs articles réunis ici multiplient les intuitions fulgurantes, les argumentations décoiffantes, les prémonitions étonnantes – apportant d’inestimables clés de compréhension à une question devenue encore plus centrale depuis sa disparition : comment apprendre à (mieux) vivre au sein d’un monde de plus en plus intimement programmé ?

 

 


Tyrannies de la transparence, avec Emmanuel Alloa, dossier dans la revue Multitudes, n° 73, décembre 2018.

L’idéal de transparence s’impose aujourd’hui comme une évidence incontestable. Mais entre des demandes légitimes, dont les raisons remontent aux Lumières, et leur mise en oeuvre, il y a un écart. Érigée en impératif dogmatique et irréfléchi, la transparence devient tyrannique et paralysante. Les effets d’une telle exigence de visibilité intégrale se font déjà sentir, au niveau des nouvelles formes de subjectivations numériques comme au niveau du pouvoir des États et des entreprises. Ce dossier regarde les dessous ambivalents d’une aspiration qui en dit long sur les contradictions de notre époque.

 

 


Inséparation, modes d’emplois, avec Dominique Quessada, dossier dans la revue Multitudes, n° 72, septembre 2018.

Migrations, dérèglement climatique, globalisation, harmonisation fiscale : les frontières, les murs et les barbelés s’avèrent de moins en moins capables de contenir des problèmes qui fuient de toutes parts. Mais le malaise des frontières n’est qu’un symptôme parmi tant d’autres d’une réalité fondamentalement inséparée. Cette majeure réunit philosophes, anthropologues, poètes et activistes pour nous aider à penser cette inséparation à partir d’éclairages à la fois divers, contradictoires et néanmoins consistants. On y parle de frontières, d’altérité, d’archipels, d’hyperobjets, de dialectique, mais aussi d’holocène, de plantation, de nourriture, de résonance et de temps commun – et même de séparation.

 

 


Dériver la finance, dossier dans la revue Multitudes, n° 71, juin 2018.

Faut-il être fou pour aller chercher du côté des pires excès du capitalisme contemporain – l’emballement délirant des produits dérivés qui a conduit à l’effondrement financier de 2008 – la possibilité d’une échappée post-capitaliste ? En poursuivant la réflexion sur le « post-capitalisme » entamée dans le numéro 70 de Multitudes, cette majeure propose des contributions appelant à réinterpréter les fondements, les implications et les potentiels de la finance néolibérale. Elle explore aussi les nouvelles possibilités d’agencement en plateformes introduites par les blockchains, crypto-monnaies et autres smart contracts, bien au-delà du seul cas des bitcoins. Et si la vraie folie était de ne pas croire à la puissance effective de la folie (financière) dans le monde humain ?

 

 


Post-capitalisme ?, dossier dans la revue Multitudes, n° 70, avril 2018.

Comment envisager le « post-capitalisme » ? Tout semble indiquer que le capitalisme écocidaire, qui a désormais étendu son emprise sur l’ensemble de la planète, voit ses jours comptés par son impuissance à éviter les multiples murs écologiques dans lesquels il nous fait foncer, tête baissée dans le guidon de la croissance. Et pourtant, si les pratiques locales d’utopies concrètes prennent des milliers de formes réjouissantes et inspiratrices, nous paraissons incapables d’imaginer une « autre chose » qui succéderait globalement à la domination capitaliste. C’est peut-être que le problème est mal posé, et qu’il s’agit moins de fantasmer une « révolution » de fond en comble, que de saisir une multiplicité de tendances et de strates en réagencements permanents. Les articles proposés ici esquissent quelques hypothèses et concepts pouvant alimenter une boîte à outils nous aidant à mieux comprendre et à mieux naviguer les métamorphoses en cours.

 

 


Quand le néolibéralisme court-circuite nos choix, dossier dans la revue Multitudes, n° 68, novembre 2017.

De nombreuses tendances du néolibéralisme conduisent aujourd’hui à court-circuiter les choix individuels. Le dopage médicamenteux de nos capacités neuronales, les pratiques de nudge et de priming qui pré-conditionnent et pré-orientent nos comportements à notre insu, l’intelligence artificielle des algorithmes qui anticipent nos désirs : tout cela risque de mettre hors-jeu notre volonté délibérative, et de vider nos choix de toute subjectivité. En devenant néolibérale, l’idéologie individualiste s’est émancipée pratiquement des choix individuels qu’elle invoque dogmatiquement pour justifier ses diktats. Ce dossier analyse quelques-uns de ces court-circuitages aux implications inquiétantes. Mais il cherche aussi à repérer les retournements drastiques – porteurs d’espoirs – qui se profilent dès lors qu’on abandonne le terrain familier mais trompeur des rhétoriques individualistes (et leur envers souverainiste) pour explorer les possibles encore insoupçonnés de nouvelles politiques dividualistes.

 

 


Les complications de la présence, dossier de la revue Multitudes n° 63, juin 2016.

Il est devenu très compliqué de définir ce qu’est aujourd’hui la présence. Toute une génération de penseurs nous a appris à nous méfier de « la métaphysique de la présence » et des « illusions de l’immédiateté », alors même que le numérique faisait mine d’abolir les distances d’espace et de temps. Et pourtant, la venue périlleuse et la présence très médiatisée de migrants sur le territoire européen nous rappellent que la présence physique continue à faire acte, de façon bien plus incontournable que le dépôt d’une demande de visa en ligne. Cette mineure propose quelques sondages dans ces complications de la présence – à travers des procédures bureaucratiques, des pratiques artistiques, une philosophie techno-esthétique, des technologies de surveillance, une wikipolitique affective au Japon et des occupations de rue en Côte d’Ivoire.

 

 


Subjectivités numériques, dossier publié dans la revue Multitudes n° 62, avril 2016.

Pour le meilleur comme pour le pire, nos divers appareillages numériques s’entremêlent de façon toujours plus complexe et toujours plus intime dans les replis de nos subjectivités. C’est une banalité de dire qu’ils induisent de nouvelles façons de s’orienter dans un monde désormais truffé de senseurs (capteurs, caméras, puces RFID, satellites). Chacun de nos plus petits gestes (cliquer, zapper, sourire, cligner des yeux, sortir d’une autoroute) produit désormais des traces instantanées, inscrites dans les flux de big data dont des machines de computation tirent des ajustements en temps réel. Une inimaginable puissance de recombinaison envahit ainsi des sphères jusque-là protégées de nos modes de collaboration, de nos pensées et de nos désirs. Un « inconscient technologique » structure en sous-main les grammaires de nos échanges quotidiens, sans que nous nous intéressions assez aux boîtes noires d’où émanent les si brillantes lumières du monde numérique. Cette majeure essaie justement d’y voir un peu plus clair. Comment subjectivation et computation riment-elles désormais si souvent ensemble ?

 


Populismes, dossier co-édité avec Anne Querrien, publié dans Multitudes 61, hiver 2015-2016

Le terme de « populisme » est généralement lancé et perçu comme une insulte : serait « populiste » tout discours politique qui flatterait les plus bas instincts d’une « populace » présupposée être ignorante et abrutie. Cela ne saurait ne saurait convenir à une revue qui s’efforce au contraire de reconnaître et de valoriser l’intelligence collective propre aux multitudes. Pouvons-nous pour autant nous contenter de renverser les valeurs dominantes en nous revendiquant d’un « populisme » (requalifié pour l’occasion « de gauche ») ? Suffit-il de condamner le « populisme » comme nous enfermant dans le peuple-tel-qu’il-est, et de nous référer plutôt à un peuple-qui-manque, à un peuple-à-inventer par des moyens activistes, artistiques, écologistes, philosophiques ? Voilà ce qui fait débat, et voilà ce que nous aimerions clarifier avec cette majeure. Ce dossier sera bientôt en libre accès en ligne sur Cairn à cette adresse.

 


Ecopolitique du cinéma documentaire, publié dans Multitudes 61, hiver 2015-2016

Le numérique serait en train de dissoudre les institutions et les modes d’attention propres au cinéma. Un storytelling généralisé tendrait à fictionner toutes nos existences. Est-ce pourquoi le cinéma serait en train de (re)prendre un grand « tournant documentaire » ? Pour répondre à ces questions, ce dossier observe quelques tendances et réalisations récentes du cinéma européen. Il essaie aussi de comprendre l’importance d’une « éthique documentaire » qui se trouve être profondément écopolitique, en manifestant une résistance de la réalité, de la matière, de l’environnement, des affects, des subjectivités et des récits eux-mêmes, au sein du monde de synthèse agencé de façon toujours plus fluide par les technologies numériques. Ce dossier sera bientôt en libre accès en ligne sur Cairn à cette adresse.

 


 

Humanités numériques 3.0, dossier publié dans Multitudes 59, été 2015

On commence à parler beaucoup d’« humanités numériques » pour désigner la façon dont la recherche en lettres, langues, philosophie, arts, histoire et autres sciences humaines étudie l’impact social et culturel des nouvelles technologies numériques. Ce dossier rassemble quatre contributions qui tentent de replacer ces questions et ces pratiques dans un cadre médiapolitique plus large : en distinguant trois strates au sein des humanités numériques ; en proposant un manifeste qui appelle les humanités à jouer un rôle actif dans le design, la mise en œuvre, le questionnement et la subversion des nouvelles technologies ; en repensant l’université autour de pratiques critiques de subjectivités en passe de devenir computationnelles ; en s’inspirant de l’archéologie des media pour proposer de nouveaux croisements entre recherche, arts et politique.

 

 


Imagination scientifique et littérature merveilleuse. Charles Tiphaigne de la Roche, co-éditeur avec Marianne Dubacq et Philippe Vincent, Presses Universitaires de Bordeaux, collection « Mirabilia », 201427000100806030M

Imagination littéraire et investigation scientifique sont longtemps allées de pair. Jusqu’au XVIIIe siècle, ce sont souvent les « mirabilia » – les miroitements du merveilleux – qui ont dynamisé à la fois les fictions narratives et les curiosités scientifiques. Les contributions réunies dans ce volume étudient un auteur méconnu, Charles Tiphaigne de la Roche (1722-1774), médecin normand, savant érudit et rêveur inlassable, qui offre un cas exemplaire du tissage étroit entre l’émergence des nouvelles sciences de la vie, une vieille sagesse critique inspirée de l’Antiquité et une imagination littéraire porteuse de merveilles en devenir. En parallèle avec la première édition critique des œuvres complètes de Tiphaigne actuellement en cours, cet ouvrage fait redécouvrir une figure inclassable et passionnante de notre histoire intellectuelle, esquissant, au cœur même des Lumières, la perspective d’une « alter-modernité », à la fois déroutante et admirable, qui reste encore largement à inventer.

 

 


Technologies de l’enchantement : pour une histoire transdisciplinaire de l’illusion, co-éditeur avec Angela Braito, ELLUG, Grenoble, 2014

Peut-on faire une « histoire de l’illusion » qui ne se confonde pas avec une litanie de dénonciations ? C’est le pari de ce livre qui propose une quinzaine de plongées ponctuelles dans différentes formes d’illusions. Allant d’un tableau de Jérôme Bosch au jeu vidéo Eternal Darkness, de l’aménagement des jardins des Lumières au marketing d’Apple, des fantasmagories scientifiques du XIXe siècle aux modélisations de l’économie néolibérale, de l’effet placebo à l’art contemporain, des premiers rayons X aux derniers drones, en passant par Lucrèce, Descartes, Diderot, Lessing, Freud, Hitchcock, Winnicott et Baudrillard, l’ouvrage explore une grande variété et formes de l’illusion. Cette réflexion collective est placée sous les auspices d’un article célèbre de l’anthropologue britannique Alfred Gell, « La technologie de l’enchantement et l’enchantement de la technologie », traduit ici pour la première fois en français. Des proues de canoë mélanésiennes à une sculpture de Picasso, prouesses techniques et créations artistiques semblent relever d’un même enchantement, par lequel les humains élèvent leurs cultures en s’illusionnant sur ce qu’ils sont capables de faire. Au carrefour des imaginaires scientifiques et des pratiques interprétatives développées par les savoirs littéraires, ce volume multiplie les perspectives et les croisements disciplinaires, pour finalement s’inscrire dans le champ émergent de l’archéologie des médias. À travers un parcours en six parties – consacrées à l’anthropologie, à l’esthétique, à la philosophie, à la scénographie, aux nouvelles technologies et à l’économie – il espère aider à nous orienter dans un monde déroutant, où les enchantements médiatiques nous immergent dans un bain d’illusions toujours plus prégnantes. Les dix-sept études réunies ici gravitent autour d’une même question: comment et pourquoi apprendre à vivre avec les illusions, au lieu de s’obstiner à se battre contre elles ?

 

 


Luttes de classes sur le Net, dossier publié dans Multitudes 54, été 2013

Peut-on encore parler d’« exploitation » lorsqu’on passe de l’usine à la tablette numérique, et du salariat au free labor ? Si oui, alors qui exactement exploite qui ? Comment nommer les nouvelles classes qui émergent à travers le web ? Comment repérer et interpréter leurs nouvelles formes de luttes ? C’est ce qu’essaie de cartographier ce dossier, en discutant ces réalités émergentes que sont le « playbor », l’« idéologie digitaliste », la classe « vectorialiste », l’« exploit » ou le « capitalisme mental » qui sert de corollaire à « l’économie de l’attention ». Nous avons besoin d’un nouveau vocabulaire pour identifier de nouvelles réalités. Ce dossier est en libre accès sur Cairn à cette adresse.

 

 


Le moment idéologique. Littérature et sciences de l’homme, co-éditeur avec Lise Dumasy, Lyon, ENS Editions, 2013, 250 p.
moment

Que peut nous apporter aujourd’hui la lecture des Idéologues, ces penseurs qui ont reconfiguré le champ des savoirs au début du XIXe siècle ? La mise à jour d’un moment idéologique. Ce moment est celui qui voit une radicalité des Lumières se scinder entre divers branchements disciplinaires, entre diverses conceptions de la subjectivité et de l’émancipation. Le moment idéologique est un moment de passage, mais surtout de décantation. On y voit émerger, quoiqu’encore entremêlés et solidaires, ce que nous sommes habitués à distinguer : Lumières et romantisme, rationalisme et sentiment, radicalité et conservatisme, nécessité et volontarisme, colonialisme et soif d’altérité, science et littérature.
Les dix chapitres de cet ouvrage ont en commun de visiter ce moment idéologique à partir de questions concrètes, analysées sur des objets textuels précisément circonscrits : une fausse polémique, un cours d’histoire, une analogie hydraulique, des théories de l’imagination, des épisodes de réminiscence involontaire, un voyage à Alexandrie, un projet d’alphabet universel, une explication de l’amitié, une réécriture romanesque de la folle « science des idées ». C’est à partir de ces cas particuliers que prend forme une image d’ensemble du moment idéologique, où se révèlent à la fois la reconfiguration des champs du savoir et ce que cette reconfiguration a occulté : l’inséparabilité de ce qui devient alors, d’un côté, « la littérature » et, de l’autre, « les sciences » (de l’homme) – le moment idéologique nous faisant voir que ce sont les deux faces d’une même pièce.
Cet ouvrage édité par Yves Citton et Lise Dumasy regroupe des études réalisées par Claire Barel-Moisan, Muriel Bassou, Dominique Kunz Westerhoff, Daniel Lançon, Sarga Moussa, Jean-François Perrin, Mariana Saad, Jean-Pierre Schandeler et Stéphane Zékian.

 


Envoûtements médiatiques, co-éditeur avec Frédéric Neyrat et Dominique Quessada, n° spécial de la revue Multitudes 51 (hiver 2012), p. 58-149.envoutementjpg

Notre existence baigne dans le medium des médias. Paroles qui volent, écritures qui restent, lettres qui traversent l’Europe depuis des siècles, journaux quotidiens qui s’y diffusent depuis deux cents ans, télégraphe, téléphone, cinéma, radio, télévision, Internet, smartphone, Facebook : ça circule de plus en plus, toujours plus vite, toujours plus largement, toujours plus intimement. Tout cela ne circule toutefois plus ni entre des individus ni entre des machines : cela se diffuse à travers et en nous. Ce dossier est en libre accès sur Cairn à cette adressse.

 

 


Soulèvements, co-éditeur avec Sylvaine Bulle, Sandra Laugier et Anne Querrien, n° spécial de la revue Multitudes 50 (septembre 2012)
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Pour son cinquantième numéro et ses douze ans d’existence, Multitudes a
ouvert ses pages à une multiplicité de collectifs en actes. Ils sont tous multiples, divers, éclatés, hétéroclites, irréductibles à quelque principe unifiant que ce soit. C’est peut-être la conscience de cette multiplicité et de cette irréductibilité qui constitue leur seul véritable point commun : contre un gouvernement tyrannique (en Syrie), contre les inégalités et les folies de la finance (en Espagne, aux USA), contre des politiques d’austérité (en Grèce), contre un blocus asphyxiant (en Palestine), contre la corruption autocratique (en Russie), contre la répression sécuritaire (omniprésente), contre les barrages (en Inde, au Brésil), contre le TGV (en Italie), contre la privatisation de l’éducation (au Chili, au Canada), contre l’étouffement néolibéral (en Roumanie, en Israël, à Paris), contre la domination masculine et les discriminations sexuelles (en Chine, en France et ailleurs) – ça se soulève de partout, mais partout selon des modalités, avec des visées et des motivations sensiblement différentes. Ce dossier est en libre accès sur Cairn à cette adresse.

 

 


Du commun au comme-un. Nouvelles pensées de l’agir-à-plusieurs, co-éditeur avec Dominique Quessada, n° spécial de la revue Multitudes 45 (mai 2011)

commun

Qu’est-ce aujourd’hui qu’un collectif ? Telle est peut-être la question des questions qui se pose à notre époque. Sociologues et théoriciens de la politique y réfléchissent bien entendu depuis des siècles, mais elle devient de plus en plus urgente au fur et à mesure que nos modes d’interaction et d’interdépendance se complexifient, s’intensifient et se diversifient. Ce dossier est en accès libre en ligne à cette adresse.

 

 

 

 


Individus et communautés à l’époque des Lumières, co-éditeur avec Laurent Loty, dossier du n° 41 (2009) de la revue Dix-huitième siècle, p. 5-338

individus

Notre présent hérite des transformations qui ont reconfiguré les rapports entre individus et communautés dans les pratiques sociales, la pensée, l’art et la littérature de l’époque des Lumières et de la Révolution. Pour mesurer la complexité de ce moment historique ainsi que ses enjeux actuels, il faut saisir l’individuation et le commun dans leurs complémentarités, leurs interpénétrations et leurs solidarités, bien plus que dans leur opposition. S’écartant des évidences trompeuses véhiculées par les mots d’« individualisme », de « communisme » ou de « communautarisme », les dix-huit articles rassemblés dans ce dossier pratiquent, chacun à sa manière et sur des objets d’étude volontairement excentrés, une démarche caractérisée par l’interdisciplinarité et par une perspective d’actualisation des problèmes abordés.
Les contributions réunies forment elles-mêmes une sorte de communauté, riche d’une diversité agencée sous la forme d’un dictionnaire tressant de multiples renvois d’une entrée à l’autre. Sous les auspices de l’ébauche du Serment du jeu de Paume par David, dont l’inachèvement et le destin mouvementé (davantage encore que la scène représentée) peuvent servir d’emblème à ce dossier, ce sont des processus d’émergence et de constitution, de délitement et de ravaudage qu’analyse cette ébauche d’abécédaire, à l’occasion des entrées Avatars d’un tableau, Communion (républicaine), Divorce, Esprit de corps, Essaim, Fraternité, Inoculation, Isolement, Métempsycose, Mœurs (État de), Polype, Public, Réseau, Sensibilité, Solitaires, Université et Utopie (des femmes), précédées d’un Avant-Propos qui problématise la définition de quelques termes de base.

La seconde partie de cette livraison propose un ensemble de 20 articles portant sur l’histoire, l’histoire des idées, la littérature (notamment 4 études sur Sade) et les sciences.
Des Notes de lecture, portant sur près de 200 ouvrages récents consacrés au 18e siècle, en forment la troisième partie.

 

 


Universités-multiversitudes, dossier publié dans la revue Multitudes n° 39 (2009), p. 49-133université

Les universités peinent de ne plus rimer avec l’universel : leurs fonctions et leurs statuts se pluralisent et se diffusent, pour le meilleur comme pour le pire. Cette majeure réunit dix contributions qui débordent la « crise » française en prenant la mesure commune (mondiale) de cette pluralité, afin de comprendre les tensions qui agitent les milieux universitaires comme résultant d’un ensemble de transformations caractéristiques de la phase cognitive du capitalisme. Elles cherchent du côté des résistances aux réformes de quoi faire apparaître les dynamiques profondes
qui transforment « l’université universelle » d’hier en myriades d’universités diffuses et multiverselles.

 

 


Spinoza et les sciences sociales : de la puissance de la multitude à l’économie politique des affects, co-éditeur avec Frédéric Lordon, Paris, Éditions Amsterdam, 2008, 281 p. ; réédition en format de poche, 2010spinoza

Que les sciences sociales du XXIe siècle puissent trouver à s’inspirer d’un penseur du XVIIe a sans doute de quoi surprendre. Il est vrai que, commençant avec la cause de soi, la substance et Dieu, la philosophie de Spinoza semble tout avoir pour décourager le non-philosophe… Elle n’en finit pas moins avec les passions individuelles et collectives, les institutions et l’imaginaire social, la constitution des corps politiques et leurs crises, les dynamiques de la rébellion – questions clés des sciences sociales. C’est pourquoi on ne devrait pas s’étonner de voir ici Spinoza dialoguer avec Foucault, Bourdieu, Mauss, Tarde ou Durkheim. Ni de voir les concepts spinozistes mis à l’œuvre dans l’analyse des affects communs, de la médiasphère de l’opinion, de la reconnaissance, des collectifs de travail comme communautés d’action, ou de la monnaie comme institution. Le tournant des années 1980 a vu la découverte d’un Spinoza politique, penseur de la puissance de la multitude, révélant une figure largement méconnue par la tradition critique antérieure. Ce mouvement de réinvention trouve ici son prolongement logique, dans un ouvrage qui esquisse une autre figure inédite : la possibilité d’un devenir spinoziste des sciences sociales.

Ce volume rassemble des contributions d’Yves Citton, Christian Lazzeri, Frédéric Lordon, Antonio Negri, André Orléan, Aurélie Pfauwadel, Pascal Sévérac et Philippe Zarifian.

 

 


Les Frontières littéraires de l’économie, co-éditeur avec Martial Poirson et Christian Biet, Paris, Desjonquères, 2008FrontLittWeb

La pensée économique a destin lié avec l’invention de la modernité, depuis son émergence à la charnière du XVIIe et du XVIIIe siècles jusqu’à son triomphe contesté de nos jours. Elle s’est progressivement imposée comme le modèle dominant de représentation du monde, à travers une colonisation progressive du langage, une reconfiguration de l’imaginaire collectif et un remodelage des consciences individuelles. De cette évolution, la littérature a présenté à la fois des symptômes, des réflexions critiques et des dépassements poétiques.

Le présent volume regroupe une douzaine d’études explorant quelques-unes des zones frontières où s’entrecroisent, depuis quatre siècles, discours économiques et discours littéraires. Il s’agit non seulement de mettre les problématiques économiques en regard avec leur traitement littéraire, mais aussi de mesurer en quoi les problématiques littéraires s’enracinent dans les processus économiques. Même si les oeuvres étudiées sont parfois vieilles de plusieurs siècles, les questions que posent ces analyses relèvent d’une éminente actualité. De Scarron à Proust, en passant par le théâtre du XVIIIe siècle, André Chénier, Isabelle de Charrière ou encore Emile Zola, les différents chapitres se recoupent autour de quelques questions centrales : comment articuler entre elles valeurs morales et valeurs financières, économie domestique et marchés spéculatifs ? Comment juguler la marchandisation de l’humain et de ses affects ? Comment gérer le commerce des biens culturels et symboliques, entre soifs de gloire et vœux de désintéressement ? Comment mettre en spectacle la vente de la chair (celle de l’esclave ou de la prostituée) ?

Au fil des modélisations croisées que se renvoient économie et littérature, il apparaît que la parole littéraire avait déjà mis en place, depuis plusieurs siècles, des sensibilités et des savoirs qui sont aujourd’hui encore largement en avance sur la discipline économique qui guide – souvent en aveugle et peut-être vers l’abîme – le destin de nos sociétés.

 

 


Noise music, dossier publié dans la revue Multitudes n° 28 (2007)

Que se passe-t-il quand le bruit devient musique ? Un (non-)genre musical contemporain poursuit ce questionnement et ces pratiques : la musique noise. Cette mineure se propose d’essayer de cartographier certaines de ses expressions actuelles, d’articuler certains de ses enjeux esthétiques et de comprendre de quelles formes de vie et de sensibilité il occasionne le développement. Il s’agira à la fois de fournir des clés d’entrée et des voies d’exploration au lecteur qui ne connaîtrait rien de ces musiques, et de rendre compte du désir dont elles sont porteuses, que les auteurs du dossier partagent et qui leur semble en demande de théorisation. Ce dossier est disponible en libre accès en ligne sur Cairn à cette adresse.

 

 


Jazz : Puissance de l’improvisation collective publié dans la revue Multitudes n° 16 (2004)

La pratique de l’improvisation collective développée par les musiciens (initialement afro-américains) des cinquante dernières années sous le nom de « free jazz » est porteuse de riches enseignements politiques sur les modes d’organisation des collectivités humaines. Ce dossier propose diverses contributions qui donnent la voix aux musiciens eux-mêmes, ainsi qu’à certains analystes qui renouvellent notre écoute et notre appréciation de ces expériences musicales, et plus que musicales. Ce dossier est disponible en libre accès en ligne sur Cairn à cette adresse.